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Ponencia D. Fournier

por Mundotoro
04/12/2001
en Sin categoría
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L’improvisation dans le
toreo : dimension esthétique ou affirmation sociale ?

Dominique
Fournier (CNRS/MSH)

En 2000, l’antiquiste Florence Dupont
faisait paraître un ouvrage comparant les statuts respectifs de l’orateur et de
l’acteur à Rome. Ce faisant, elle était amenée à s’interroger non seulement sur
les composantes du discours, et en particulier la notion d’improvisation, mais
aussi sur la dimension sociale des personnages en question, détenteurs ou non
de «l’éloquence politique sur laquelle reposait la conception romaine d’un
pouvoir politique libre et élitaire».

Une telle perspective ne pouvait que
retenir mon attention car j’ai été de ceux qui, à partir des années 90, se sont
efforcés de montrer qu’il était possible d’assimiler la corrida à un mode de
transmission du mythe, c’est-à-dire à un authentique discours. Il devenait logique
que je me demande si une partie de ce qui était valable à Rome pouvait
s’appliquer à la tauromachie classique pratiquée en Espagne, à condition
d’adopter une perspective diachronique.

Je m’interrogerai donc d’abord sur les
caractéristiques qui font du toreo
une expression discursive. Puis je verrai pourquoi le torero doit être rangé du
côté de l’orateur et non pas de l’acteur. Je poserai enfin la question de la
spécificité de l’art tauromachique et de son évolution qui l’obligeraient à
dépasser toute catégorisation trop rigide et mettraient en exergue la notion
d’excellence technique que secrète l’indispensable présence de l’improvisation.

Quels sont
les éléments indispensables à la constitution d’un discours ? Sans
chercher à établir un ordre strict dans l’organisation des facteurs, on partira
du principe évident qu’il lui faut d’abord un langage. Ceci signifie déjà que,
loin de se suffire à lui-même, le discours requiert une écoute, et donc une
forme majeure de socialisation selon laquelle il est à supposer que le langage
utilisé doit être commun à l’émetteur du discours et à son destinataire.

Avant de revenir sur cette exigence du
toreo en tant que témoin de la situation socio-politique de son temps, il
paraît souhaitable de rappeler une fois encore que le propos de la tauromachie
spectaculaire n’est pas très éloignée d’une forme de récit mythique. Celui-ci
évoque à la fois certaines des valeurs reconnues par la société, et la vision
que cette dernière a de son rapport au monde. Or le discours mythique ne
saurait se réduire à n’être qu’un récit préétabli, il tient sa valeur de la
personnalité de celui qui l’énonce, de même qu’à Rome, comme l’affirme Florence
Dupont, «les discours (prononcés par
l’orateur au forum) ne sont pas des textes mais des événements où la valeur
d’un homme, d’un citoyen, est mise à l’épreuve devant tous»
(p. 91).
Et comme il exige la présence attentive d’un groupe pour être valide, il ne
sera jamais «l’œuvre du seul orateur
mais de tous ceux rassemblés à cette occasion»
(p. 90). Si nous
appliquons cette sentence à l’art tauromachique, chacun admettra que cet art de
l’immatérialité et de l’éphémère ne peut se concevoir sans la participation
plus ou moins consciente, mais nécessairement croisée, du torero, du public, et
de l’animal.

Il va de
soi qu’un tel événement, fondé sur une conjonction de facteurs parfois délicate
à obtenir, réclame l’utilisation d’un lieu spécifique dans lequel chacun
dispose du pouvoir de s’exprimer.   Et
cet espace lui-même doit participer en quelque sorte d’une organisation
structurelle qui se révèle indispensable lorsqu’il s’agit de porter témoignage,
de transmettre un message essentiel, de pérenniser une pratique impliquant
aussi des élans potentiellement désordonnés de la part des spectateurs.

L´histoire de la tauromachie
n’a jamais cessé de montrer à quel point l’organisation de cet espace, place
publique ou arènes construite, se révélait essentielle dès lors que la société
entreprenait de mettre en forme l’attachement «viscéral» des
Espagnols pour les toros. C’est que,
tout en se prétendant éloignés de la dimension chaotique, immémoriale sans
doute, des tauromachies populaires, les divertissements officiels ont toujours
été conscients de ce qu´ils devaient à ces dernières. Ils ont donc été
contraints de se poser en parangons d´ordre et de vertu : de tels spectacles de
masse ont-ils vraiment d’autre finalité que de donner à voir l’état
hiérarchique de la société, et la capacité des pouvoirs publics à contrôler la
frontière incertaine séparant la nature anarchique de la culture rassurante ?
C’est sans doute en partie pour insister sur cette volonté des autorités de ne
pas se réduire à une dichotomie que la structure tauromachique se révèle
largement ternaire : cela est vrai aussi bien de l’architecture
(horizontalité et verticalité) que de l’organisation et du déroulement du rite.
Et lorsqu’au XVIIIe siècle, pour répondre à une demande accrue d’une société
interpellée à son tour par une volonté de modernité, la corrida a pie s´impose, l’ensemble du mundillo qui se met en place reconnaît
progressivement aux acteurs principaux, des matadors tels que Costillares et
Pepe-Hillo, le droit d’édicter des règles propres à structurer de façon
cohérente un spectacle qui, d’après Natalio Rivas, était resté jusqu’alors «un conjunto caótico e informe, en el
cual estaban amontonados todos los materiales constitutivos del toreo, pero sin
orden ni concierto»
(26), puisque c’était «la característica personal de cada diestro que era lo único que
imperaba»
(22).

Ainsi, on le voit bien, le
discours peut devenir un facteur majeur de dynamique sociale, utilisé comme tel
par les différents acteurs, chacun à sa manière, à condition que l’énoncé
corresponde aux normes imposées par la société globale. Et il est bon que les
intentions des uns s’harmonisent parfois avec les exigences des autres :
c’est évidemment le cas ici puisque le renforcement de la structure inhérente
au toreo satisfait en même temps,
d’un côté, le besoin d’ordre des organisateurs et de l’autre, comme le fait
remarquer Bartolomé Bennassar (1993 :51) le souci des toreros issus d’une
tradition corporative d’assurer la professionnalisation du métier,
indispensable passage vers un début de reconnaissance sociale.

C’est arrivé à ce point que
l’on est amené à s‘interroger sur les éléments qui permettent de distinguer la
corrida d’un rituel immuable. Car on aura garde d’oublier que la corrida est
tout à la fois un sacrifice, un spectacle et une manifestation d’ordre
politico-social. Alors, s’appuyant sur une structure discursive solide, le torero se doit d’offrir un propos qui va
au delà d’une simple litanie s’il veut imposer sa force créatrice, marquer sa
spécificité, et obtenir un effet particulier sur la foule des spectateurs .

J’ai tendance à penser que les
joutes équestres qui précédèrent l’avènement de la corrida moderne relevaient
surtout des catégories spectaculaire et politico-sociale parce qu’elles se
contentaient d’exprimer de façon plus ou moins individualisée une forme
d’excellence dans l’art de la monte, l’équivalent d’un exercice guerrier, et la
démonstration des vertus professées par le groupe s’étant réservé cette
pratique tauromachique : au moyen du toreo
de jinete
, l’aristocratie semblait chercher la légitimation spectaculaire
d’un pouvoir né de la Reconquête, en même temps qu’elle se réservait la
jouissance ordonnée d’un divertissement social, et s’offrait le luxe de
satisfaire au goût d’un peuple particulièrement féru de jeux taurins.

Avec l’arrivée des Bourbons,
les motivations des acteurs de la fiesta
ne pouvaient que changer, et tout porte à croire que, paradoxalement, la
dimension sacrificielle finit par retrouver une place majeure dans la corrida
alors même que celle-ci glissait dans la vénalité. L’évolution suivie par
le toreo moderne traduit parfaitement
le fait que c’est la mort de l’animal qui sert de fil conducteur au discours,
qui assure sa cohérence à l’ensemble et permet au spectacle d’évoluer sur une structure
bientôt parfaitement définie, en adéquation avec les données mouvantes du
processus socio-politique. En ritualisant la mort du taureau, en la distinguant
d’une violence incontrôlée, en l’intégrant dans un contexte esthétique, en la
confiant à des spécialistes jugés en fonction de la bonne exécution de la suerte, la société reconnaît aux matadores un statut particulier. C’est
désormais l’individu agissant que l’on admire et que l’on valorise, plus que le
représentant d’un groupe social dont les qualités «innées» ne
souffriraient aucune contestation. Pourtant, on pourrait dire qu’il est
essentiel que l’État reconnaisse à un représentant de l’ancienne piétaille le
droit scandaleux de s’exprimer en tuant un animal dans un cadre mythico-rituel,
et non plus dans l’espace sulfureux de l’abattoir : cette concession
conduit à une nouvelle appréhension du monde.  
On a désormais l’illusion que le peuple peut à son tour sortir des
murailles de la cité pour accéder à, domestiquer et dominer une nature qu’il se
contentait jusqu’alors de subir.

Ainsi le torero a pie devient à son tour porteur d’un
discours qui, par essence, dépasse le cadre d’un énoncé préconçu. Et la
question se pose alors de savoir comment il parvient à assumer une condition
d’orateur-créateur qui lui permet d’éviter d’être confondu avec un simple
acteur interprète.

Revenons pour répondre à nos références romaines. Celles-ci nous
sont   indispensables dans la mesure où
elles contribuent à dégager les éléments qui, dans ces métiers de la parole, situent
un individu du côté de la noblesse (l’orateur du forum), ou le marquent au
contraire au fer d’une infamie définitive (l’acteur de théâtre). Parmi les
éléments fondamentaux qui l’amènent à établir une distinction aussi
incontestable, Florence Dupont accorde une attention particulière à la faculté
d’improvisation. Or que se passe-t–il lorsque le chercheur invité à participer
à ce congrès réfléchit un instant en s’inspirant de cette thèse ? Il en
arrive tout simplement à se demander s’il existe une notion plus essentielle à
l’exercice du métier de torero que
celle de l’improvisation.

Bien sûr, la plupart des aficionados s’accorderont à reconnaître
la primauté de l’improvisation puisqu’ils savent que chaque taureau, vierge de
tout apprentissage, est en principe distinct de ses congénères, et qu’à ce
titre le torero qui l’affronte doit être pourvu d’une vision analytique
immédiate et de sérieuses capacités d’adaptation instantanée. D’autant plus que
le pouvoir mortifère de l’animal suffirait à lui seul à contraindre l’homme à
user de toutes les formes d’improvisation. Mais au bout du compte, ces
conditions de base qui ne sont que matérielles et s’imposeraient à n’importe
quel individu désireux d’affronter un toro
bravo
, n’affectent que modérément le contenu et la qualité intrinsèque du
discours tauromachique. Car quel est le sens qu’il faut accorder à ce
discours depuis l’avènement de la corrida moderne ?

Je dirais que le discours s’impose de plus en plus comme une
opération-vérité révélant à chaque spectateur qu’il partage avec les autres
membres de la société une perception spécifique du rapport de l’homme à la
nature, et que l’événement est en soi une forme d’étalage de vertus et de
valeurs communes destinées à rapprocher les diverses strates constitutives du
groupe. Il convient donc que le torero-narrateur parvienne à émouvoir le
spectateur, quel que soit son statut social, pour que celui-ci prenne
conscience qu’il participe lui-même à la réalisation d’un acte culturel majeur.

Or, à elle seule, l’excellence technique du matador serait
impuissante à apporter cette révélation si elle n’était également dotée d’une
vraie force métaphysique. A tout discours, il faut d’abord un supplément
d’âme ; ensuite ce que les Romains nommaient le decet, élément indispensable de l’improvisation ; enfin,
peut-être, un effet de la grâce, c’est-à-dire, comme la qualifiait notre cher
Julian Pitt-Rivers, un de ces phénomènes dont la volonté de Dieu constitue
l’essence, et qui échappe au contrôle conscient et rationnel de la conduite
(1983 :288, 290).

Nous savons tous que dans la
corrida, c’est avant tout la dimension symbolique du discours tauromachique qui
importe, et non le sort particulier de l’animal contraint d’entrer dans ce
rapport discursif. En fait, comme les Romains qui assistaient sur le forum aux
procès où plaidait l’orateur, le spectateur des arènes n’attend rien d’autre
que l’établissement de la vérité, et il sait que cette vérité doit s’exprimer à
travers le corps du matador, véritable instrument joué par le mouvement d’une
âme réceptive aux circonstances, au contexte. Comme le dit Florence Dupont
(183), «tout motus animi est un acte
relationnel, une action-réaction au sein d’un échange social».
  Contrairement à l’acteur, qui va jouer un
texte écrit, imiter des situations à volonté et indépendamment du contexte, le
matador se doit d’apparaître en toute circonstance comme l’auteur sincère du
discours qu’il est en train de donner. Or il faut pour cela davantage qu’un
savoir-faire technique (qui prépare aussi à l’improvisation), il faut surtout
une capacité à exprimer sa propre identité sociale en apportant la preuve d’une
«qualité éthique que les Romains appellent le sens du
« convenable » -decet-, de
l’opportunité»(42). Le matador ne recherchera donc pas l’effet, ce qui le
ferait confiner au vulgaire, mais il s’efforcera de transcrire une émotion
passant par l’adéquation de son discours aux conditions spécifiques de chaque
bête, aux attentes ressenties des spectateurs, aux conditions de la piste, aux
aléas du temps, etc. Sinon il y aurait une perversion du discours qui
éloignerait de l’essentiel, c’est-à-dire la transmission d’une conception du
monde, d’un système idéologique fondateur de la société. Le discours de
l’essentialité s’impose à l’âme du spectateur par l’impression qu’il laisse,
non par une matérialité tangible et reproductible. Il appartient tout entier à
l’aléatoire, à cet éphémère précieux qui a été enrichi par un sens de
l’improvisation qui fait du matador un artiste, un être d’exception.

L’improvisation, nous
l’évoquons depuis le début sans même avoir entendu la définition qu’en donne
Florence Dupont (39) à propos du discours romain :« Ce qui caractérise une performance oratoire
romaine, c’est l’improvisation dont on peut dire qu’elle est «une écriture
orale». Improvisation, en effet, ne signifie pas spontanéité, bien au
contraire, le contrôle absolu est l’idéal de la rhétorique ancienne ». En
fait, tout l’entraînement de l’orateur (et du torero) doit les préparer à
l’improvisation, ce supplément essentiel né de l’habitude et de l’exercice,
d’une maîtrise des diverses étapes du discours consciente et assurée à la
vitesse de l’éclair, du contrôle de la peur, né aussi de l’invention, la
disposition, l’élocution, et en même temps du style, de la voix et des gestes
(Quintilien). On le constate, cette capacité à improviser est capable de tout
faire passer, parce qu’elle libère les qualités individuelles, et rend évidente
la valeur du professionnel que contemplent les spectateurs massés sur les
gradins. Le torero est-il touché par la grâce ? Un certain jour,
peut-être, mais en général c’est sa volonté qui l’emporte, associée à sa
dimension sociale.

A qui demande-t-on d’improviser, de faire
preuve de grandeur d’âme et d’user d’un sens aigu des convenances ? On le demande
à l’individu qui est devenu matador de
toros
, au maestro qualifié
techniquement et socialement pour interpréter le discours d’appartenance
culturelle, à l’homme dont chacun sait qu’il doit ce privilège autant à
l’étendue de ses dons qu’à la qualité de son apprentissage. Voilà que le maestro (artisan bien sûr, mais artiste
surtout lorsqu’il domine l’improvisation) parvient graduellement à faire
oublier toute référence à son origine sociale ; voilà que sa fonction de
rhéteur accompli, dûment mandaté, lui confère un statut particulier au sein de
la société. Contrairement à l’orateur romain en effet, son statut ne lui vient
pas de sa seule naissance et du savoir-faire qui lui est associé. Non, il tient
ce statut de son apprentissage technique, de sa maîtrise de l’immatériel et,
finalement, de la reconnaissance sociale dont bénéficient la plupart des
matadors.

A Rome, les orateurs ne pouvaient qu’être
issus de la noblesse, alors que les acteurs, fussent-ils parmi les plus riches
et les plus fameux, ne se libéraient jamais de leur condition d’infamie. Dans
le toreo, comme j’ai essayé de le
montrer, la fonction de matador tend à situer celui-ci du côté de l’orateur,
qui est socialement différent parce que porteur de vérités partagées. Il est
pourtant permis de se demander si tous les toreros partagent en fait le même
statut.

Il n’est bien sûr pas question que le torero
soit jamais assimilé à un acteur. D’abord parce que la corrida n’est pas un jeu
au sens que donne Florence Dupont (235) «le rituel des jeux [donne] à
vivre aux hommes l’envers du monde réel, la sociabilité de la fête quand toute
hiérarchie est temporairement suspendue». Dans le théâtre, le ludisme se
fonde sur l’imitation, et l’accent est mis sur l’absence de l’objet réel puisque «l’image imitée n’est qu’une
reproduction à l’identique et vide» (234). Dans la corrida sacrificielle,
et depuis que valientes et matatoros ont abandonné la place à ceux
qui acceptent de suivre des canons tauromachiques et culturels fort définis,
c’est bien la sensation de la présence qui compte, présence de la mort,
présence de la vérité, présence du discours à transmettre. Ici l’imitation ne
saurait suffire, ni pour combattre les taureaux , ni pour émouvoir la
foule. Il est pourtant vrai que l’apprentissage du toreo peut prendre l’allure d’un jeu, comme dans l’école taurine,
la tienta, ou le toreo de salón (qui est par essence fiction et imitation). Mais le
discours exprimé, qui intègre une dimension létale et conte la reproduction de
l’ordre symbolique, ne joue pas, et l’animal encore moins, car il y a vraiment
tout un monde pour celui qui devient sacrificateur entre «jugar a los toros» y «jugarse
la vida».

Le matador
y gagne évidemment le respect de ceux qui savent, et la reconnaissance sociale
d’une foule qui trouve ainsi l’intermédiaire idéal pour assouvir une passion
tauromachique dont les voyageurs des siècles derniers reconnaissaient qu’elle
était véritablement débordante. Alors oui, la professionnalisation devient le
prix à payer évident pour les individus qui, même avides de gloire, même issus
des milieux les plus humbles, mettent leur honneur à se montrer dignes de
l’ensemble de ceux au nom de qui ils s’expriment, assez loin des
préoccupations, honorables certes, mais égoïstes peut-être (et parfois
ludiques), d’un groupe aristocratique avant tout soucieux de légitimer sa
prédominance sociale

Dans les
faits, on remarquera que certains toreros «du romantisme», tel le
célèbre Tragabuches, venaient de, ou échouèrent dans des milieux interlopes où
ils ne purent échapper à l’infamie. D’autres, évoqués par exemple par
l’écrivain Jean Lorrain (2000 : 61), servirent sans doute, comme de
vulgaires histrions romains, aux caprices d’une classe sociale supérieure
trouvant à s’exciter dans le mélange de violence, de sang, de sexe qui semblait
émaner de toreros en mal d’excellence véritable.

Il demeure
que le statut social du matador n’a jamais cessé de s’élever, suivant un
mouvement qui porte le toreo à faire
oublier l’origine pédestre de ses acteurs, à mettre l’accent sur la perfection
technique plutôt que sur l’exploit physique, les toreros à s’estimer porteurs
d’un sentiment culturel collectif et à prétendre au qualificatif
d’»artistes», et l’objet premier de la corrida, c’est-à-dire la mise
à mort d’un animal, à se dissiper dans des formes toujours plus esthétiques.

Dans ces
circonstances, c’est la part reconnue de dimension métaphysique qui va
permettre aux meilleurs de voir confirmé leur statut social d’exception associé
dès l’origine à leur fonction. On pourra ainsi remarquer que ceux qui
deviennent des figuras sont surtout
ceux qui savent user de leur technique oratoire comme d’un complément, et en
particulier leur faculté d’improvisation, stade ultime de l’excellence
technique. Légitimés techniquement, distingués économiquement, reconnus
socialement, plusieurs d’entre eux choisissent alors d’acquérir certains des
biens matériels qui agissent le plus fortement sur l’imaginaire social, comme
l’élevage de toros bravos.

Je ne
voudrais pas terminer mon propos sans l’illustrer par deux exemples
contemporains. Bien entendu, et puisque nous nous trouvons en ce lieu si
extraordinaire, je ne puis évidemment qu’évoquer la figure emblématique de
Curro Romero, et sa science de l’improvisation qui a su pendant si longtemps
nous faire croire à la toute-puissance du duende.
Mais je souhaite aussi oser cette réflexion sur l’attitude scandaleuse de José
Tomas refusant de tuer un toro dans les arènes de Madrid. Au-delà de toute
justification d’ordre physique, j’avoue trouver séduisante l’idée qu’il n’ait
alors agi que parce qu’il avait ressenti et jugé que c’était la seule chose à
faire en cet instant précis, dans ces circonstances-là, et que son statut de
torero reconnu pour sa faculté exceptionnelle à transmettre des valeurs
métaphysiques lui permettait d’aller au-delà de ce qu’il devait aux exigences
du professionnalisme. C’est bien sûr une grande vanité de refuser les canons
d’un art par esprit de système, mais s’il s’agit après tout de l’un des effets
les plus remarquables de l’improvisation, alors là, peut-être que …

Références bibliographiques

Bennassar, Bartolomé. 1993. Histoire de la tauromachie. Une société du
spectacle
. Paris, Editions Desjonquères.

Dupont, Florence. 2000 . L’orateur sans visage. Essai sur l’acteur romain et son masque.
Paris, PUF.

Fournier, Dominique. «Toros : Vídeo
y tabernas», Taurología 3,
1990 : 31-36.

Lorrain, Jean. 2000. Espagnes. Barcelone, Valence, Murcie. La Rochelle, Rumeur des âges.

Pitt-Rivers, Julian. Honor y gracia.Madrid, Alianza editorial, 1993 (1992)

Rivas, Natalio.
1987 (1946). Toreros del romanticismo.
Anecdotario taurino
. Madrid, Aguilar.

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